Je considérais le temps passé à glander aux boutiques Terres de Café du Marais, près de mon barista préféré, comme l'expression de ma fainéantise aïgue. Pendant mon séjour à Tokyo, dans le calme et le froid apparent du métro, je me suis surprise à m'imaginer à Terres de Café, au chaud, à voir les clients défilés.
Il y a les fidèles, qui sont plus familiers, qui osent lancer des phrases chocs, voire des blagues à la limite du bide. A peine les portes de la boutique, D. : "Tu servirais un café à une vieille pédale comme moi ?". Quel sens de la dérision et quelle entrée ! G., le jovial commerçant d'en face qui (j'en suis sûre) prépare minutieusement ses blagues le temps de traverser la rue pour son espresso. Le bottier du quartier, B., très mystérieux derrière ses lunettes aux verres fumés, prend sa double dose de caféine. Evidemment, c'est toujours quand il passe que j'ai mes chaussures de merde, confortables certes, mais esthétiquement un zéro pointé. Il y a aussi Beubeu, nez amateur, qui renifle les clients pour identifier un parfum. S'en suit souvent une discussion sur les arômes et les parfums. Ça pourrait passer pour un plan drague, mais même pas. Le plus fidèle habitué, Christophe, le boss lui-même, entre, goûte un espresso, tapote sur l'épaule de son barista et ne repart pas avant d'avoir cherché/oublié un bonnet, une écharpe, ses lunettes ou sa trottinette (depuis longtemps disparue).
Bien sûr, il n'y a pas que les habitués, il y a les clients d'un jour ou deux : super sympathiques mais qui habitent très loin, ceux qui ont vu de la lumière et sont déçus de ne pas avoir de latte glacé à la crème de marron saupoudré de pistaches concassées, ceux qui viennent chercher du café de Cuba parce que celui de leur torréfacteur a un petit goût goudronné de reviens-y, des touristes australiens qui ont trouvé un refuge pour le petit noir.
Ce que j'aime dans ses boutiques c'est l'esprit de convivialité et de partage. On a envie de discuter, d'être curieux et d'aller vers les gens. Je ne sais pas si c'est la caféine ou les blagues graveleuses qui désinhibent les gens, peut-être les deux, mais putain qu'est-ce que j'y suis bien !